Sa pause avec Bruce et Batgirl avait durée assez longtemps. Quelques semaines qui avaient presque pesés comme des années. Et avec tout ça, elle s'était éloignée de Dick. Plus de raison de le voir... Enfin... De raison officielle. Officieusement, elle essayait de le sortir de sa tête. Mine de rien, lui n'avait rien fait, n'avait pas participé à la mascarade de Bruce. Dans un élan mégalomaniaque inconscient, qui surgissait quand elle était dans une colère noire, il y avait des moments où elle s'était presque convaincue que le chevalier noir avait fait tout ça exprès. Sa conscience du monde juste voulait qu'il soit coupable, elle voulait qu'il soit le mauvais de l'histoire. Mais trop ironiquement, ce n'était pas le cas et sa conscience tordue se chargeait de le lui rappeler à son bon souvenir chaque fois qu'elle croisait la mine radieuse du nouveau procureur dans les journaux. Elle voulait le haïr autant qu'elle haïssait Harvey Dent et le Joker. Mais à la même manière qu'elle éprouvait aussi pour ces derniers une profonde pitié et une tristesse incommensurable ; elle savait ce qui avait poussé son ami à l'éloigner comme ça... Trop durement, elle s'était avoué à demi pensée qu'elle aurait malheureusement fait pareil. En tentant d'éloigner sa source d'angoisse, elle s'était aussi éloignée de son réconfort. Mais la mine de Dick et ses taquineries ne faisait que lui rappeler à Batgirl, à ses responsabilités qui avaient été baffouées. Reporter le masque avait été une lutte. Les fermetures éclaires avaient semblé capricieuses, comme un signe... Sa sortie aurait pu être relativement agréable si Batman ne s'était pas pointé avant qu'elle n'entre en action... Rien que d'y penser, ses poings se serraient tout seul.

Sa colère la rappelait trop à l'affection qu'elle portait à sa seconde famille masquée. La simple présence de Nightwing lui manquait. Même si elle était difficile à faire battre en retraite, la rouquine savait que la simple ombre d'un bat-membre suffisait à l'apaiser, comme si elle devenait sur le moment imperméable aux balles et à n'importe quel coup. Seule, elle l'avait déjà été pour des enquêtes. Beaucoup d'enquêtes. Mais en se sachant en froid avec eux, elle se sentait plus vulnérable. Dans cette ville qui les rejetait à présent, elle se sentait plus seule que jamais.

Elle tournait en rond comme un lion en cage. Dans son salon, elle avait épuisé les DVDs de son étagère multimédia. Ses amis de la toile étaient endormis ou indisponibles et elle avait épluché tous les sites idiots de photos d'animaux de toute la planète... Et pourtant, pas possible de rester tranquille. Barbara saisit son costume de Batgirl et l'enfila avant de sortir. Se faufilant de toit en toit, elle mit une demi-heure, allant dans des directions aléatoires, avant de se rendre compte qu'elle allait naturellement vers l'appartement de Dick. Pour une fois, elle n'avait pas de nourriture à manger pour se défouler, ni aucun criminel à porter de poing à frapper... Elle grinça entre ses dents un « merde » et continua. Elle trouverait en chemin une raison pour débarquer à l'improviste. Un sale type à tabasser, il y en aurait à la pelle dans les quartiers chauds de toute manière, elle trouverait de toute manière quelque chose. Et puis la jeune femme en avait marre d'angoisser sur l'avenir. Son cerveau semblait avoir atteint le niveau de non retour : arrête de penser, ta gueule et avance, tes fureurs utérines ne demandent que ça ! Alors elle avançait en maudissant cent fois ces foutus hormones, ça ne pouvait être qu'elles qui la faisaient agir si stupidement !

Elle attendit presque une demi-heure sur le balcon de la fenêtre d'à côté, observant ces volets fermés derrière lesquels se trouvaient Dick. Pendant une minute, la pensée qu'elle puisse trouver une fille à son cou, dans le lit, la tétanisa. Puis, enfin, Batgirl se résolu en se disant que ce serait une occasion de se foutre de lui... Il fallait juste qu'elle lui parle, même pour l'insulte de petite quéquette, qu'importe... En se faufilant dans l'appartement, la jeune femme se glissa jusqu'à la chambre en constatant que le rangement n'était définitivement pas une des passions de Dick. Elle jeta un coup d'oeil sur le lit et fut incroyablement soulagé de ne voir aucune jeune femme blonde et plantureuse à moitié nue... En même temps, se dit-elle, quelle nana à peu près correcte voudrait de ce gros frimeur ? Elle se pencha sur Dick, endormit, et pas vraiment très élégant avec un peu de bave dégoulinant de sa lèvre inférieur... Leva sa main... Avant de l'empoigner et de le secouer. « Dick ! Debout ! Y a le feu ! » Puis elle se redressa avant de saisir un vieux slip sur le sol et le lui lancer à la figure. « Nan y a pas le feu ! Pourtant cet appartement mériterait d'être passé aux flammes pour désinfecter le tout ! Et avec toi dedans ! » Il y avait certainement mieux pour réveiller quelqu'un, surtout quelqu'un de proche, mais c'était bien trop classique ou niais pour Barbara. Non, il fallait cacher au maximum son angoisse, son malaise, son manque, et pour cela : elle meublait avec des insultes et des railleries. Après tout, ce terrain confortable lui rappelait l'ancien temps, où tout était moins merdique qu'aujourd'hui...

Comme prévu, Dick se réveilla paniqué, à l'entente du mot « feu » les gens étaient toujours interpellés. C'était une bonne technique pour arriver à attirer l'attention de n'importe qui. Enfin, elle lui lâcha sa remarque sur l’appartement. D'une manière générale, Barbara n'en avait rien à faire du rangement. C'était juste un prétexte pour bousculer le jeune homme. D'une manière presque fraternelle ils se chamaillaient souvent, se provoquaient gentiment, lorsqu'ils avaient le temps et le loisir de le faire. Mais en mission, sous les menaces constantes qui entouraient leurs manières de vivre, par contre, les blagues et les plaisanteries étaient plus tenues voir inexistantes. Il arrivait quelques fois qu'un quolibet se fasse entendre, mais presque toujours pour détendre une atmosphère tendue ou dramatique. Ils en avaient certainement besoin d'un point de vue psychologique. Au même titre que certaines personnes entrent dans un rire hystérique après un événement traumatique, ils avaient besoin de mettre de la distance face à l'horreur qu'ils côtoyaient chaque nuit. Si ils s'impliquaient trop, les malheurs leur éclaboussaient à la figure et le résultat était rarement très apprécié : on finissait par porter tous les malheurs de Gotham sur ses épaules et ce n'était pas le but. Le but, c'était d'aider les forces de police et les habitants eux même à reprendre leurs villes.

La Bat familly, aussi solide qu'elle aurait pu l'être, n'aurait pas réussi à endiguer la criminalité sans l'aval de ses habitants. Tout ce travail était un pansement sur une fracture ouverte... On essayait de réduire toutes ces blessures, mais encore fallait-il laisser se faire soigner ou permettre à un médecin d'y jeter un coup d’œil. Et là, à la manière d'une biche renversée par une moto, elle croulait sous ses propres jambes et saignait de toute part, mais s'évertuait quand même à fuir les mains bienfaitrices qui se tendaient. Quitte à mourir dans l'anonymat le plus terrible. En prenant le personnage de Batgirl avec humour, elle posait une distance humaine. Car humaine, elle ne pouvait plus l'être. Pourtant, le rôle de son alter ego avait l'air beaucoup plus séduisant pour elle, que cette rouquine en étude de droit...

Elle renifla en croisant les bras alors que Dick se plaignait du traitement qui lui était réservé. A l'invitation de le rejoindre dans la couche, elle esquissa un petit rire nasale. Ben voyons, comme si elle avait le temps... L'envie, peut être bien. Même si avec autant de temps de célibat et de frustration, elle aurait pu coucher avec un peu n'importe qui, la barrière était trop dure à franchir : avec lui ou avec un autre, elle aurait du mal à se laisser mettre à nue au propre comme au figuré. Mais avec Richard, c'était encore plus compliqué. Elle avait peur que leur relation privilégiée se termine, les disputes, les malheurs... Les relations presque familiales qu'elle avait glané autour d’elle, la jeune femme ne voulait pas qu'elles se fanent. « J'ai failli te réveiller avec le seau d'eau froide... Ca aurait été dans le thème avec le feu. Mais monter le seau jusque là aurait été un trop grand effort pour toi. » Finalement, le jeune homme se renseigna sur le motif de sa visite nocturne tout en s'extirpant de son lit à la recherche de quelque chose à se mettre sur le dos. Esquissant un regard discret sur la marchandise, elle tourna la tête vers la fenêtre. « Je sais pas si on aura le temps pour le thé. »

Une voix dans sa tête lui demanda : qu'est ce que tu fous ? Qu'est ce que tu en sais, tu es venue sans plan... Quelle conne franchement, qu'est ce qu'elle allait lui dire... Observant la rue en bas de l'immeuble par la fenêtre, elle continua à inventer, au fur et à mesure que ses lèvres bougeaient. « On va dire que j'ai besoin d'un gros bras pour donner une leçon à des gars... T'as beau être con comme une chaise, au moins tu sais frapper... Et j'ai pas envie de me salir les mains. » Elle se retourna. « Ca te dit ou tu préfères perfectionner ta technique de dégueulassage d'appartement ? » Elle sourit d'un air de défit. Maintenant elle allait juste devoir trouver un gros groupe de criminels à tabasser... Ca n'allait pas être très dur dans ce quartier. Entre les proxénètes, les dealers, et les gangs, elle trouverait bien quelques gros mou du bulbes avec des bras aussi gros que des charrettes pour envoyer Nightwing... Pour l'envoyer faire quoi ? Merde... Trop conne. Non, pas un gros groupe. Le mettre en danger juste parce qu'elle se sentait seule ? Merde à la fin... Bon, elle improviserait, après tout, la rouquine trouverait bien des gars qui mériteraient bien une correction non ?

Dick ne rata pas le -pourtant des plus discret- regard de Barbara alors qu'il tentait de conserver dignement le secret sur son boxer. Encore, heureusement qu'il n'avait pas mis celui qu'il s'était offert, hilare, au symbole de Batman... Il en aurait entendu parlé pendant une bonne décennie, et aurait pu dire au revoir à toute sa dignité.

- Je sais pas si on aura le temps pour le thé.

Hmmm, elle était donc là pour une affaire sérieuse, si elle ne commençait pas déjà à ouvrir les hostilités, et à le bombarder de piques. Et puis, pour qu'elle refuse une tasse de thé ? Pourtant, elle n'avait pas l'air particulièrement pressée, mais au contraire presque embarassée d'être là, sans savoir comment présenter l'affaire. Dick en profita pour ramasser un jean et l'enfiler en vitesse tant qu'elle ne le regardait pas ouvertement. Elle se mit alors à détailler un peu plus les raisons de sa visite, laissant Dick de plus en plus perplexe quand aux réelles motivations de sa visite. Il sentait qu'il y avait autre chose, mais il était bien trop prudent pour s'engager sur ce terrain là. Après tout peu lui importait le prétexte qu'elle trouvait, tant qu'il passait du temps avec elle il en serait content. Et puis, ce serait l'occasion de discuter un peu plus sérieusement depuis qu'elle avait provisoirement abandonné son costume à la suite de l'affaire Dent.

- On va dire que j'ai besoin d'un gros bras pour donner une leçon à des gars... T'as beau être con comme une chaise, au moins tu sais frapper... Et j'ai pas envie de me salir les mains.

Dick grogna, con comme une chaise hein ? Cela n'était pas le meilleur argument pour le pousser à lui filer un coup de main. Déjà, il aurait du lui en vouloir. Cela faisait des mois, des années à ses yeux qu'il n'y avait plus que lui de toute la Bat-family pour veiller sur Gotham. Et elle, elle débarquait comme une fleur, parce qu'elle avait besoin d'un gros bras.

- Oh, merci du compliment Babs...

Mais Babs se retourna alors, et Dick oublia totalement ce qu'il était en train de commencer à lui reprocher. Elle était tellement jolie qu'elle réussissait toujours à l'avoir. Surtout lorsqu'elle avait cette étincelle de défi dans les yeux. Celle qui voulait dire "je vais te provoquer d'une seconde à l'autre, parce que je sais que tu ne pourras pas y résister", avec ce petit sourire accroché aux lèvres. Il la connaissait bien, et elle le connaissait peut-être encore mieux. Et à la fin, elle savait que de toute façon, il ne la laisserait jamais tomber, il lui pardonnerait toujours tout. Et puis, il comprenait sa réaction, et imaginait que son absence était liée à toute l'affaire Harvey Dent.

- Ca te dit ou tu préfères perfectionner ta technique de dégueulassage d'appartement ?
- Pour être honnête, il n'y a bien que pour tes beaux yeux que je serais prêt à abandonner mon bordel. Puisque tu insistes, laisse moi le temps de mettre mon costume et je suis tout à toi pour cette nuit...

Dick rit un instant, avant de se diriger vers la pièce discrète qu'il avait aménagé sous les combles de l'immeuble qu'il occupait. C'était sa pièce à lui, sa Batcave en quelque sorte. Il se débarassa de son jean, et enfila à même la peau son costume. Rien à voir avec celui de Batman, bardé de kevlar, cela n'aurait fait que ralentir Dick. Il ne cherchait pas à se prémunir des balles, quand il lui suffisait de les esquiver. Enfin, plus facile à dire qu'à faire, et il s'était à de nombreuses reprises retrouvé avec une balle, le plus souvent perdue, dans le corps, les nombreuses cicatrices qui parcouraient ses membres et son dos en témoignait. Dick jouait plus sur son agilité et sa vitesse que sa force brute, et cela payait la plupart du temps. En cela il était plus proche de Barbara que de Bruce dans son style de combat.

Il ne fallut pas plus de deux minutes à Dick pour être prêt. Il n'avait pas vraiment d'attirail à harnacher, pas de cape à enfiler, simplement ses bâtons d'eskrime à fixer sur ses avant bras, ses wing-ding dans ses gants avec ses darts. Finesse, souplesse, rapidité, précision. Et Barbara osait dire qu'il n'était qu'une paire de gros bras ! Cette fille le tuait.

Il la rejoignit rapidement en costume cette fois et ferma son appartement, l'invitant à la suivre pour sortir par le toit, en passant par sa base tactique. Il lui suffit de soulever une trappe, invisible depuis l'extérieur, et ils se retrouvaient dehors. Dick ferma les yeux un instant, et savoura ce moment. Il aimait l'air de la nuit, lorsque la brise se levait depuis la mer, pour rafraîchir l'atmosphère saturée de pollution. Elle chassait les soucis de sa tête, et lui donnait un second souffle. Et ce soir, il y avait Barbara avec lui. Il savait qu'il s'était fait piéger. Il savait qu'il aurait du lui en vouloir d'avoir abandonné la ville, même momentanément. Mais cela aurait voulu dire admettre qu'elle lui manquait, ou qu'il avait besoin de son aide. La vérité, c'est que même si ce qu'ils faisaient était dangereux, il aimait le faire avec elle. Peut-être simplement parce que c'était la meilleure excuse qu'il ait pu trouver pour passer du temps avec elle, et qu'il n'était pas prêt à l'admettre. Du moins, pas prêt à le partager.

C'est vrai qu'il avait craqué pour ses beaux yeux et ses cheveux flamboyant dès qu'il l'avait vu. Mais il savait qu'il y avait un mur entre eux. Il y avait le fait que Dick ne voulait pas gâcher cette relation si forte qui existait entre eux en s'ouvrant à elle, en lui exprimant ses sentiments. Il y avait le fait qu'il craindrait encore plus qu'elle soit en danger. Il y avait Bruce. Et il y avait le Commissaire. Et rien ne laissait réellement imaginer que Barbara était prête à s'investir dans une relation, et Dick refusait catégoriquement de la laisser n'être qu'une parmi d'autre. Cela paraissait être un raisonnement d'adolescent qui croyait à l'amour, mais c'était bien le sien. Il avait tout de suite su qu'elle était spéciale, et qu'elle ne pouvait pas être traitée comme n'importe qui. Et surtout, il ne voulait tellement pas gâcher leur relation, et avait tellement peur de s'ouvrir à elle... Et pourtant, il le voulait tellement... Il avait bien essayé de la sortir de sa tête, mais rien n'y faisait. Peut-être Barry pourrait l'aider, avoir un bon conseil, mais Dick n'osait pas lui en parler, pas si tôt après Iris, de peur de faire remonter de mauvais souvenirs. A vrai dire, il ne savait pas quoi faire, et ne savais pas à qui parler de tout cela...

- Alors, où allons-nous ?

Leurs petites joutes verbales continuèrent un petit peu, Dick remerciant toujours avec plus ou moins de d'ironie les petits pics qu'elle lui envoyait. Et elle, elle se contentait de faire comme si elle en avait rien à faire. La rouquine repensait souvent à l'époque où ils étaient tous les trois à peu près soudés. Comme une grande famille, ils n'allaient que très rarement quelque part seuls, ils avaient les deux autres dans leurs dos pour les protéger. Bien qu'être la fille du groupe avait tout de suite été perçu comme un désavantage du point de vue de la jeune fille. Mais finalement, elle s'était révélée utile plus qu'elle ne l'avait espéré. Fine et agile, elle arrivait à se contorsionner là où ces beaux messieurs, pleins de muscles et de centimètres en plus, ne pouvaient pas passer.

Elle avait finit par se faire son petit nid dans tout ce foutoir, mais de feuille en feuille, tout s'effriter doucement mais sûrement et elle avait l'impression que plus elle essayait de reconstruire tout ça, plus ça se détruisait devant elle. Cette sensation d'impuissance était proprement usante et déprimante. Si seulement elle pouvait simplement revenir en arrière et prolonger la période dorée de ses débuts pour ne faire que la vivre encore et encore, elle pourrait certainement tout donner. Ca aurait été un choix égoïste mais au moins, elle aurait été heureuse... Enfin... Elle le pensait. Mais ce qui importait, c'était maintenant et à cet endroit précis.

En tout cas, Dick ne se défila pas (mais se défiler de quoi...?) Il émit un petit rire alors qu'il quitta la pièce pour aller se mettre en costume. Barbara observa les alentours en comparant avec son propre appartement qu'elle avait laissé pour aller vivre un petit temps chez James. Il avait beau être mille fois plus rangé que ce taudis, elle avait prit l'habitude de le rendre impersonnel au possible. Rangé et lavé, il n'y avait rien qui dépassait mais en même temps, des amies lui avaient déjà dis qu'un peu de décoration ne lui feraient rien à part la faire se sentir chez elle. Elle avait manqué de répliquer qu'il n'y avait que dehors, dans son costume qu'elle se sentait chez elle et c'était tout.

Mais qui pouvait réellement comprendre ce genre de sensation quand le seul frisson qu'on avait c'était de savoir si on avait réussi un examen ou pas ? Barbara s'était résignée à ne jamais avoir plus de cinq personnes réellement au courant de ce qu'elle ressentait vraiment dans cette vie. Dick en faisait partit et il était certainement le justicier le plus proche d'elle. Pourtant il y en avait à la pelle à Gotham, mais c'était comme si plus il y avait de justiciers, plus il y avait de crimes. La surcharge de travail ne semblait jamais décroître et la pause de Barbara lui avait donné la sensation qu'une véritable guerre se déroulait dehors. Alors c'était donc ça la sensation des habitants normaux... Mais une fois au cœur de l'action, on se rendait compte que les médias étaient assoiffés de sang et de mort et qu'à les entendre, dans quelques jours, la ville serait rasée.

Alors que Nightwing s'en revint, prenant la place de Dick, il l'invita à le suivre sur le toit à travers une trappe bien dissimulée. En tout cas, il avait son petit nid bien douillet loin de la batcave et il s'en accommodait largement. Elle l'admirait un petit peu. La rouquine aurait bien voulu être aussi indépendante et solitaire qu'il l'était, mais une part d'elle recherchait la collaboration des autres, comme si elle avait presque peur de ce qu'elle pourrait faire par elle même. Pourtant, elle s'en sortait relativement bien quand elle avait été dans de rares occasions, seule...

Une fois sur le toit, Dick lui demanda le programme. Bon, ça y est, Barbara avait finit de mentir. Elle n'avait jamais été très douée pour lui mentir à lui spécialement. Si James ne savait toujours rien de sa double vie, elle n'arrivait même pas à faire tourner en bourrique Richard plus de quelques secondes. Elle soupira et haussa les épaules. « En fait je sais pas. N'importe où. » Elle détourna le regard pour ne pas croiser celui déçu du jeune homme. Ou alors il allait rigoler, ou l'engueuler... Bon, au moins elle n'allait pas l'emmener tabasser n'importe qui pour donner corps à son mensonge éhonté. « C'est juste que ça fait longtemps que je suis pas sortie, spécialement avec toi. » La jeune fille continuait de regarder ailleurs, presque comme si elle boudait. Elle finit par conclure « C'est la merde, j'aurais pas dû partir. ». Voilà c'était dit. Maintenant, elle ne faisait qu'attendre que Dick ne tourne les talons et la plante là, sur ce toit qui avait l'air d'un intérêt absolument exceptionnel à en jugé par le regard de Barbara à présent baissé sur le sol.

Barbara se sentait tel un animal sauvage en terrain inconnu et possiblement dangereux. Elle n'était as sûre de ce qu'elle devait faire pour faire passer ce sentiment d'insécurité. Elle aurait voulu se terrer, se cacher dans un coin, dans son appartement qu'elle avait délaissé, près de son ordinateur... Mais elle savait qu'une fois tapie dans l'ombre, elle se sentirait toujours aussi fragile et déprimée. Elle fit milles efforts invraisemblable pour ne pas fuir et se volatiliser comme elle savait si bien le faire en tant que Batgirl. La chauve-souris n'aimait pas se montrer aussi incertaine et vulnérable aux yeux de n'importe qui, même pas aux siens. Comme si la faiblesse était un mot inconnu dans son vocabulaire, pire, un mot interdit. Mais il fallait que ça sorte des fois, aussi douloureux que ça pouvait être, elle se devait de le sortir histoire de ne pas terminer raide folle, à hurler sur tout et n'importe qui, à s'emporter jusqu'à finir par frapper ou taper quelqu'un... Elle préférait encore que ça sorte en présence de quelqu'un en qui elle avait confiance. Ces derniers temps, il ne restait que Dick dans son esprit en tant que seul et unique ami. La rouquine savait qu'elle n'aurait pas de conseils foireux et bateaux que n'importe quelle autre personne lui aurait servit. Et ce n'était pas un plat qu'elle affectionnait particulièrement. La franchise, même blessante, elle l'acceptait beaucoup mieux que de quelconques formules de réconforts proféraient comme le menu d'un restaurant.

Le contact de la main de Dick sur son épaule lui fit l'effet d'une décharge et elle s'efforça de ne pas repousser ce contact. Le paradoxe de son sentiment était immense, d'autant plus qu'elle ne savait pas où elle en était ces derniers temps. Autant ce simple contact la réconfortait, elle qui n'avait pas du tout l'habitude des contacts physiques d'aucune sorte ; mais en même temps, ça lui donnait envie de fuir, de le repousser. La jeune femme aurait presque pu crier pour le faire partir mais l'absurdité de cette envie la convainquit de ne rien faire. Elle ne savait plus si elle était en colère contre quelqu'un en particulier ou contre elle même qui s'était laissée couler au point de se retrouver sur ce toit, à se faire consoler par Richard. Ce dernier lui affirma qu'elle n'avait pas besoin de raisons particulières pour venir le voir et patrouiller avec lui. Il continua en lui disant que si il avait su qu'elle allait reprendre Batgirl, il lui aurait proposé une mise à jour au sujet des criminels et aussi juste pour qu'elle se remette dans l'ambiance de leur passe-temps de justicier. Il termina enfin par lui dire que si elle voulait parler de quoi que ce soit, il était là pour elle. Cette dernière phrase lui donna un goût amer dans la bouche. Barbara savait qu'en l'état et depuis très longtemps, elle ne parlait, simplement, pas. Ce n'était juste « pas son truc ». En fait, c'était pire que parler, elle gardait tout jusqu'à ce qu'elle n'arrive plus à tenir, et là, elle déballait tout avec un mélange de fureur et de tristesse qui n'était jamais un bon cocktail. Non, décidément, elle s'y prenait mal, mais elle était trop centrée sur sa propre peine pour avoir envie de changer. Rien qu'admettre qu'elle était venue pour rien lui avait valu une sacré bonne dose d'amour propre, alors aller plus loin lui paralysait les entrailles.

Dick retira sa main alors que Barbara regardait toujours ailleurs, comme depuis le début. Comme si elle n'écoutait qu'à moitié ce qu'il disait. Mais elle hocha tout de même la tête, histoire de dire qu'elle avait entendu et avait comprit ce qu'il avait dit. Comme si Richard lui même avait été gêné par cet échange, il reprit son attitude habituelle, sourire de petit con et manières désinvoltes. Il lui avoua avoir de toute manière prévu de sortir. La jeune se permit d'en douter un seul instant avant de repousser cette pensée bien loin dans sa tête car, finalement, ça importait peu qu'il invente ça pour la rassurer ou que ce soit vrai. Ils étaient là, en cet instant et elle préférait juste se concentrer sur ça. Enfin, dans un lapsus qui n'échappa pas du tout à la rouquine, Le jeune Nightwing lui confia qu'il aimait bien « sortir avec elle » de toute manière, avant de se corriger pour rajouter un facteur patrouille. Elle sourit, et sans relever la petite erreur, dit simplement « Bien sur que tu aimes bien patrouiller avec moi, c'est les seuls soirs où tu mouilles pas ta couche parce que tu t'ai fais coller une fessée par des criminels ! » Batgirl finit par reposer son regard sur lui. « Et puis pourquoi tu as pris un appart là ? C'est super glauque et malfamé... Tu aimes ça de manquer de te faire égorger tous les jours en allant t'affaler sur ton lit même pas fait ? » Après tout, avec elle c'était « qui aime bien, châtie bien » et elle ne dérogerait pas à sa règle pour le moment. C'était un bon moyen de briser la glace et une bonne technique pour cacher son malaise. « Bon, vas-y gamin, choisit par où on part... » Elle croisa les bras, dans l'attente de la décision de son collègue du soir.

Dick fut reconnaissant à Barbara de ne pas relever son lapsus, et de faire comme si de rien n'était. Il était assez mal à l'aise et rouge pivoine comme cela, et encore, heureusement qu'il n'y avait pas assez de lumière pour qu'elle ne remarque son trouble si elle ne prêtait pas attention. C'était bien lui ça, se mettre dans des situations où il finit par être aussi ridicule.

- « Bien sur que tu aimes bien patrouiller avec moi, c'est les seuls soirs où tu mouilles pas ta couche parce que tu t'ai fais coller une fessée par des criminels ! »

Dick soupira, elle n'en ratait décidément pas une. Heureusement, c'était ce qu'il aimait chez elle, sa franchise et le fait qu'elle soit tout le temps sur son dos, à le chercher. Cela avait créé une réelle complicité entre eux, Dick étant aussi enclin à plaisanter et à railler ses coéquipiers. Même si parfois, cela le pesait de se faire rembarrer comme ça, alors qu'il aurait parfois aimé aborder des sujets plus délicats... mais il savait que Barbara le rembarrerait encore plus ou se braquerait immédiatement. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'un jour, il puisse avoir une vraie conversation avec elle. Dick repoussa cette idée au moment où elle venait de surgir dans son esprit. Il était hors de question de lui faire part de ce qu'il pensait, de toute façon. Il aurait bien trop à perdre. Et il préférait encore largement qu'elle le rabaisse plutôt qu'elle le fuie, ou qu'elle l'ignore.

- J'aime patrouiller avec toi, parce que ça me permet de garder un oeil sur toi, oui ! C'est toujours mieux que de recevoir un appel au beau milieu de la nuit parce que tu te retrouve dans la merde et que t'as besoin d'un gros bras pour assurer tes arrières ! Ne t'en fais pas, je m'en sors très bien sans toi. Et d'ailleurs, c'est toi qui est venu me demander de l'aide à la base, non ?

Dick lui sourit en coin, mais Barbara ne se démontait pas si facilement.

- « Et puis pourquoi tu as pris un appart là ? C'est super glauque et malfamé... Tu aimes ça de manquer de te faire égorger tous les jours en allant t'affaler sur ton lit même pas fait ? »

Dick leva les bras au ciel. Qu'elle pouvait être exaspérante parfois, à poser des questions dont, non seulement la réponse n'était pas intéressante, mais en plus, ne la regardait absolument pas. Il avait parfois l'impression qu'elle jouait à la mère avec lui. Mais malgré tout, il ne pouvait pas l'en blâmer, et aimait bien ce joutes verbales.

- Qu'est-ce que tu veux, je n'ai qu'un petit salaire minable de petit flic de bas étage, aucune envie de demander de l'aide à Bruce. Ici, c'est pas cher, et je suis au centre de tout. Puis, bien du courage au petit cambrioleur, non seulement je n'ai rien de valeur mais même si j'en avais, vu le bordel, il ne trouverait rien ! Quand à m'égorger, personne ne s'attendra à ce que je sache riposter, je ne pense pas avoir de soucis. Et au moins, personne ne prête attention à moi ici.

C'était vrai que le quartier était plutôt mal famé. Mais les loyers n'étaient pas chers, les gens ne posaient pas de questions, et surtout, c'était facile d'être au plus vite en plein coeur de l'action, en plein centre de la ville.

- Je n'ai pas envie de vivre dans une bulle. C'est ici que je suis le plus efficace, que je peux faire une différence, que je peux intervenir au plus vite. Et puis, tu peux venir chez moi plus discrètement, alors que moi je ne peux plus mettre les pieds chez toi...

C'est vrai que Dick ne pouvait plus se permettre de rendre des visites nocturnes à Barbara depuis qu'elle avait emménagé chez son père. Il ne voulait pas que le commissaire le surprenne à la fenêtre de la chambre de sa fille, et cela pourrait le mettre en danger. Même si James était peut-être le dernier homme qui pensait que les justiciers oeuvraient pour le bien de Gotham, Dick doutait qu'il soit ravi de découvrir que sa fille trainait avec eux. Et puis, cela les mettrait en danger, car combien faudrait-il de temps au commissaire pour relier les choses entre elles ?
C'était aussi une des raisons qui empêchait Dick d'oser aller plus loin avec Barbara. Même en admettant qu'elle ne le rejette pas d'une manière ou d'une autre, il s'inquiétait que cela ne nuise à leurs double-vies. Il suffisait que le commissaire découvre l'identité d'un seul d'entre eux, et ils seraient tous démasqués. Si Dick et Barbara se fréquentaient, combien de temps lui faudrait-il s'il apprenait que sa fille était Batgirl pour en déduire que Dick était Nightwing et Wayne Batman ? Il suffisait qu'ils voient Batgirl et Nightwing flirter... Et de même, s'il surprenait un jour Nightwing à la fenêtre de Barbara combien de temps lui faudrait(il pour faire le lien et découvrir la double-identité de sa fille ?
A croire que tout était fait pour qu'ils ne puissent pas être ensembles...

- « Bon, vas-y gamin, choisit par où on part... »

La voix de Barbara le ramena à la réalité. Après tout, il était vrai que pour dissiper le malaise, rien n'était mieux qu'une bonne baston si possible, et sinon au moins le sentiment du devoir accompli, en pourchassant quelques criminels de préférence. Dick prit un instant pour y réfléchir. Quel était l'endroit où il y aurait surement suffisamment de monde pour faire un peu de ménage, et pas trop méchants pour réhabituer Barbara en douceur ? Certainement ici même, où s'il arrivait de croiser des grands criminels la majorité de la population peu fréquentable était composée de petits délinquants. C'était plus des agressions, des vols à mains armé en petit groupe ou seul, des vols à l'arraché, des cambriolages, ou des petits trafics de drogue, que du grand banditisme. Pas vraiment de quoi démanteler un cartel ou un trafiquant d'armes ici. Mais Nightwing n'en était pas mécontent, et aussi paradoxal que ça puisse paraitre, il préférait vivre ici, et donc pouvoir intervenir au plus vite sur ce genre de délits... Il avait l'impression de faire plus dans le social, et de changer réellement la vie des gens, bien qu'il ne manquait jamais d'intervenir sur une grosse opération pour la faire avorter quand il le pouvait !

- Je te propose un petit retour au sources alors... Allons faire un petit tour du côté de Crime Alley.

Nightwing lui sourit, et se lança dans la direction de Crime Alley, au bout de la rue où il vivait, passant d'un toit à un autre. Il aimait cela, courir sur les toits la nuit à Gotham. C'était dans ces moments qu'il se sentait libre, et dans ces moments, tout disparaissait de son esprit. Il était dans son élément. Nul doute qu'ils trouveraient de quoi s'occuper ce soir, dans les rues autour de Crime Alley. Mal famé, le quartier devenait un vrai coupe-gorge à la tombée de la nuit. D'ailleurs, il ne leur fallut pas longtemps pour repérer une cible. Des bruits de lutte, et un cri de femme en contrebas le firent s'arrêter. Il pouvait apercevoir du toit où ils étaient un type qui collait une femme contre le mur, un couteau sous la gorge. Son sang ne fit qu'un tour, si quelque chose le révulsait le plus, c'était bien cela ! Il le désigna du doigt à Batgirl, comme une proposition pour qu'elle ouvre le bal, saisissant ses darts enduits de poison qui endormirait d'agresseur, et se tenait prêt à intervenir si elle ne le devançait pas.

Aussi espiègle qu'elle, il ne manqua pas de lui retourner la politesse en déclarant qu'il patrouillait avec elle pour la surveiller. Si elle était convaincue de la boutade à ce moment précis, il lui était souvent arrivé de penser qu'il la surveiller au tout début, lorsqu'elle venait d'être recrutée par Bruce. Ou alors il était jaloux de son remplacement même si objectivement, les deux jeunes gens étant assez différents, Barbara n'aurait jamais pu remplir le vide qu'avait pu laisser Dick dans la famille. D'ailleurs, de famille, pour le moment, n'était plus. Même si elle avait savouré les premiers jours de liberté à ne pas devoir sauter dans son costume aux premières lueurs de soleil échappées derrière un voile épais et noir, elle avait vite ressentit un manque et un fort regret. Ce sentiment étant quelque chose que la jeune fille ne connaissait que trop bien, elle s'était vite persuadée de tromper l'ennui et la tristesse en comblant son temps libre et en s'épuisant. Mais le constat était là : son esprit avait pour toujours réservé un emplacement spécial pour son rôle de Batgirl et ses réflexes resurgissaient parfois quand ses yeux croisaient les nouvelles et les journaux télévisés. Son esprit affûté s'évertuait à toujours faire des connexions et des rapprochements, à analyser, à disséquer... Avant de se rendre compte qu'elle était simplement dans une vie normale pour le moment et que toutes ses élucubrations n’avaient pas lieu d'être. Mais si elle les évitait consciemment sur le moment, la nuit et les cours moments de répit qu'elle avait donné à son cerveau l'occasion de tout remuer encore et encore, toujours...

Et tout ce remue-méninge avait donné à la jeune fille une raison de se trouver là : la bougeotte qui lui secouait les jambes. Cette drogue, presque, du risque, de la douleur et du soulagement d'avoir trouvé la solution, elle avait envie encore d'en avoir. Et elle avait envie d'en avoir avec certaines personnes, et l'admettre avait été incroyablement difficile. En tout cas, cette stupide banalité qui entourait cette conversation la rassurait doucement et l'explication de Richard quant à son choix d'appartement lui permit de remettre en ordre ses pensées et de se concentrer. Cette discipline dans laquelle elle était presque passée maîtresse mais qu'elle avait eu tendance à oublier ces derniers semaines. Dick termina par dire que d'une manière générale, il était plus facile d'agir au cœur de l'action lorsqu'on y habitait, hochant la tête et finit par dire. « Hum... Je peux comprendre... » Elle, avait privilégier une zone de la ville entre les deux mondes, estimant qu'être au contact des deux faces de la ville lui permettait de changer de types affaires aussi souvent qu'elle serait lasse de certaines... Jusque là, rien ne lui avait vraiment couru sur le haricot et elle s'impliquait dans chaque affaire avec une hargne de la justice qui quelques fois lui avait presque fait peur. Heureusement, l'humour lui permettait de prendre des distances et de ne pas prendre tout ce qui se passait pour elle, personnellement. Doser était important, et la rouquine doutait que, toute seule, elle pourrait le faire. Mais partager ses doutes les plus profonds n'était pas dans son tempérament. Fierté, peur, honte...

Richard, maître des rennes, finit par décider d'aller à Crime Alley. La rue typique où on devait aller si on voulait se faire agresser, violer, tuer ou les trois en même temps dans un ordre relatif. Batgirl hocha la tête « Passe devant le gros dur... » en souriant de manière espiègle. Le jeune homme s'élança à l'avant alors, et la parallèle avec ces années perdues où ces gestes n'étaient pas aussi incongrus qu'à ce moment, frappèrent Barbara au visage comme un coup de poing bien placé. Mais chassant cette avalanche de passé, elle suivit Nightwing, retrouvant peu à peu ses instincts de chasseuse. Sautant d'un toit à un autre, ils jetaient des coups d’œils furtifs à droite et à gauche pour éventuellement repérer des comportements inhabituels. Au début, Barbara avait été stoppée par la gêne sociétale que la culture occidentale inculpaient aux gens : ignorer leur instant de peur et de gêne. Pourtant, ces instincts millénaires étaient la clé de la survie. Si elle était gênée ou qu'elle avait peur, c'était pour une raison. Si la société appelait les individus à ignorer cet appel du cœur, en tant que justicier, elle devait y faire appel le plus possible. Ainsi, si elle était gênée par une situation, il fallait qu'elle approfondisse son analyse et repère directement l'élément perturbateur. L'instinct permettait de sentir que quelque chose arrivait sans forcément voir la source de l'inquiétude. Tout cela, il fallait le désapprendre au fur et à mesure du temps. En replongeant dans une vie dite « normale », elle avait réapprit ses réflexes d'inhibition mais elle apprendrait à les abandonner lors de ces nuits d'aventures.

Déjà le frisson la touchait, comme pour la prévenir que cette soirée ne serait pas veine. Ou alors était-ce le frisson de l'action à venir et de la connivence retrouvée qui l'immergeait dans cet état second... Ses poils s'hérissèrent lorsque Dick stoppa net. En tendant un peu mieux l'oreille, la jeune femme entendit un peu mieux les cris étouffés et aiguës d'une victime en contrebas. L'autre justicier lui désigna l'endroit, en bas du mur, dans une ruelle et elle hocha la tête. Batgirl commença alors à descendre doucement par une gouttière et des escaliers de secours. Faisant pencher son corps de telle manière à éviter les bruits et les grincements. De toute manière, le type disait quelque chose dans sa barbe, mais ça n'avait aucune espèce d'importance pour le moment présent. Elle finit par se glisser comme une ombre derrière le type. Barbara avait initialement prévu de lui foutre un coup de tête mais le rapport de taille serait très compliqué ainsi, elle se rabattit sur une autre option. Elle tapota l'épaule du type qui jeta un regard par dessus son épaule avant de diriger le couteau directement vers Barbara, qui l'esquiva, prit le poignet droit du criminel et envoya son genoux dans son ventre avant de dire. « C'est pas très poli d'aborder les gens comme ça ! »

Ce genre de petits malfrats n'étaient même pas intéressants. Non pas que Barbara s'amusait à faire ça, mais il fallait bien qu'elle puisse tester ses capacités et s'améliorer à chaque rencontre ; Ce genre de petits criminels ne lui apportaient rien. Technique bancale, vitesse lente, inattention... Le genre de gens faciles à déséquilibré et à maîtriser. Qu'on lui mette un gaillard de 200 kilos de muscle con comme ses pieds et elle arriverait quand même à le mettre à terre. Par contre, il ne suffisait pas d'avoir de muscles pour arriver à blesser quelqu'un. Une intelligence un petit peu aiguisée suffisait parfois à mettre en place les plans les plus sadiques et les plus tordus. Le Joker remportait souvent la palme car ses plans ne sortaient jamais de nul part et leur logique n'était jamais ce qu'on pouvait en penser. Comme on disait, le pire n'est jamais décevant. Le « pire » qu'elle avait sous les yeux entrain de se tenir le ventre, était très décevant. La rouquine ne s'était même pas contracté un seul muscle à part peut être ceux du bras... Et encore. Un petit échauffement tout au plus. Alors qu'elle surveillait le gars visiblement bien amoché, elle entendit dans son dos, Dick, parler à la jeune femme. Batgirl la vit partir en titubant. La jeune femme allait certainement appeler vite fait la police avec son téléphone portable et les deux justiciers devraient vite déguerpir étant donné leur réputation super limite depuis quelques temps.

Alors que Barbara avait hésité à accompagner la jeune victime, elle entendit derrière elle de l'action. En se retournant elle apperçu Dick attaquer un autre criminel qui faisait certainement le guet de l'autre côté. Avec un petit sourire sur les lèvres, admirant la technique du justicier, elle arrivait à déceler quelques restes de l'entraînement qu'il avait reçu auprès de Bruce. En même temps, étant donné la jeunesse qu'il avait vécue et ses débuts qui dataient déjà de pas mal de temps, ce n'était pas du tout étonnant. Mais il avait réussi à s'affirmer par lui même et à imposer son propre style. Bien entendu, être beau à regarder n'était pas la chose principale à laquelle il fallait penser quand on était Justicier mais c'était un plus qui rajoutait à la satisfaction de se battre contre des criminels. De plus, ça permettait aussi aux citoyens exercés de repérer qui était entrain de les sauver, ça faisait toujours plaisir.

Le gugus qui avait prit la mauvaise décision d'essayer de s'en prendre à Dick le regretta vite, en un rien de temps il était déjà entrain d'étudier la composition du sol des ruelles de Gotham de très près. Tout sourire et satisfait, Nightwing s'était tourné vers elle. La rouquine applaudit des deux mains « Bravo petit, tu t'améliores ! » tout sourire aussi, elle sentait que cette soirée commençait très bien. Mais déjà, leur petit spectacle prit une fin prématurée au son des sirènes de police qui s'approchaient rapidement. Sans plus attendre, la jeune femme escalada un immeuble proche pour se retrouver sur le toit au même moment où des lueurs de lampes-torches émergeaient de la pénombre. Les officiers de police n'eurent ainsi aucun mal à trouver les criminels qui avaient eu le malheur de croiser la route de deux justiciers. En tournant la tête, Batgirl adressa à Dick un petit sourire entendu. « On devrait franchement être payé quand on leur mâche le travail... Enfin bon, tu te fais quand même payer d'une manière détournée toi... Espèce de collabo ! » Elle lui bourra l'épaule avant de détaler dans une autre direction.

Elle se sentait à l'aise et ne s’imaginait pas vivre autrement. Bien sur, elle avait déjà eu une conversation sur son futur avec sa mère adoptive. Avant qu'elle ne parte, elle lui avait demandé ce qu'elle comptait faire : devenir procureur et vivre dans la peur de se faire assassiner par n'importe quel mafia, ou libraire et vivre relativement tranquille ? Barbara mère n'avait pas tout à fait tord mais elle oubliait surtout que sa fille adorait se faire remarquer ou, du moins, ne se cachait jamais de se qu'elle faisait, en tout cas pas totalement. La rouquine qui avait une opinion sur à peu près tout et qui ne se gênait pas pour se faire entendre, n'avait pas d'idée sur son futur. Continuer dans le domaine de la justice et éventuellement attirer l'attention sur elle ? Quitte à augmenter sa charge de travail ? Quoi qu'elle décide, ces années à étudier le droit et le système judiciaire ne serait jamais perdu quand on avait des activités nocturnes comme celles qu'elle avait... « Et les amours ? » Avait un jour demander sa mère adoptive... Les amours, Barbara n'y pensait pas. Elle ne pensait pas y avoir droit dans un premier temps alors comment consacrer un peu de temps à un éventuel compagnon quand elle n'en prenait même pas pour elle même ? La jeune femme pourrait presque être une héroïne de tragédie grecque, condamnée à finir seule, à pourrir dans son salon de vieille pendant au moins vingt ans avant qu'on ne découvre son squelette. Ca, c'était une perspective qu'elle arrivait à envisager.

Si Dick pouvait sourire plus, il l'aurait fait. Même s'il se doutait que Barbara se moquait un peu de lui en l'applaudissant ainsi. Non, il souriait simplement parce qu'il était heureux. Pas juste parce qu'il avait fracassé l'assaillant sans mettre qui que ce soit en danger un seul instant. Non, il souriait, et il était heureux, parce que tout semblait exactement à sa place. Barbara et Dick, Batgirl et Nightwing, ils marchaient toujours aussi bien, et la jeune femme lui sembla plus belle que jamais. Cette nuit avait décidément un gout de bon vieux temps, quand les choses semblaient plus simples. Ils faisaient ce qu'ils devaient, veillaient l'un sur l'autre, et réussissaient à prendre du plaisir. Cela faisait longtemps que Dick ne s'était senti aussi bien. Ces dernières semaines avaient été sombres, entre la rupture consommée avec Bruce à la suite de l'affaire Dent, et son travail à la GCPD qui ne le menait nulle part à ses yeux... Ce n'était guère facile. Et il avait vraiment besoin de tout ce que Barbara lui apportait d'espoir et de bonne humeur.

Les sirènes de police eurent du mal à le ramener à la réalité, et il fallut que Barbara s'esquive pour qu'il les entende et réalise qu'il valait mieux filer sur ses traces. Escaladant la façade de l'immeuble le plus proche où la jeune femme s'était déjà élancé, il respira profondément. la nuit ne faisait que commencer. De pirouettes en prises acrobatiques, il la rejoignit au sommet alors que les lampes torches des officiers de service ne balaient la ruelle, tombant rapidement sur les deux malfrats. Il se tourna vers Barbara pour commenter la scène, mais avec ce petit sourire qu'il adorait se voir dessiner sur ses fossettes, elle le devança.

- On devrait franchement être payé quand on leur mâche le travail... Enfin bon, tu te fais quand même payer d'une manière détournée toi... Espèce de collabo !

- Eh, quand on a pas une Batcave à disposition ou les compétences pour en hacker une... On fait ce qu'on peut avec ce qu'on a ! Et puis, tu es bien placée pour parler, tu pioches constamment dans les rapport du commissaire, non ?!

Barbara lui asséna une bourrade amicale dans l'épaule et s'enfuit, ne lui laissant guère le temps d'en placer une. L'avait-elle seulement entendu ? Peu lui importait en fait, tant qu'elle était près de lui, tant qu'elle lui souriait, tant qu'elle voulait bien de lui en tant qu'ami. Dick soupira, en la regardant s'éloigner, ses cheveux flamboyants ondulant à chacun de ses mouvements. Si seulement... Elle était juste parfaite. Certes, elle avait son caractère, mais Dick adorait leurs joutes verbales et sa tête de "je ne suis pas contente". Et à côté de cela, elle savait toujours ce à quoi il pensait (enfin... presque...), elle était si douée dans tout ce qu'elle faisait, elle savait se défendre, elle avait ses propres opinions, et elle était tellement belle.

Mais Dick savait qu'il allait devoir arrêter ce cirque. Il ne s'agissait que d'une amourette, ou du moins, cela ne pouvait être plus. Dick avait bien trop à y perdre, tous deux avaient bien trop à y perdre. Il devait la sortir de sa tête, et passer à autre chose... Mais pas maintenant, pas ce soir. Il avait retrouvé sa partenaire, et la fille pour laquelle il avait immédiatement eu le béguin, celle avec qui un geste, un regard par dessus le masque suffisait pour agir de concert, celle qui partageait totalement ses idéaux et était prête comme lui à se battre pour les défendre.

Dick regarda un instant Barbara, et soupira intérieurement. Si les choses avaient été différentes, s'il avait définitivement abandonné sa vie de justicier... Les choses auraient-elles été différentes ? Il se prit à imaginer un Dick qui sortait avec une Barbara avant de chasser cette vision de son esprit. Non, il ne pourrait pas renoncer à Nightwing, pas tant que l'on aurait besoin de lui. Il ne pouvait qu'essayer d'oublier ce qu'il ressentait pour Babs, sans rêver à quoi que ce soit.

Dick détourna les yeux de la scène qui se déroulait en contre bas, et à laquelle il n'avait prêté aucune attention, son esprit occupé par bien d'autre considérations. Il se tourna vers Barbara et lui sourit.

- Tu viens ? Ne crois pas t'en tirer à si bon compte, la nuit est loin d'être finie.

Oui, la nuit était loin d'être finie, et Dick avait bien l'intention de profiter d'avoir de la bat-compagnie, pour la première depuis longtemps. Peu importait ce qu'il ressentait à propos de Barbara, ou ce qu'il devrait faire ou ne pas faire dans l'avenir. Il savourerait le moment présent ce soir. Tout simplement parce qu'à Gotham, il faut capter les premières lueur de l'aurore, car rien ne dit qu'elles ne seront pas le prélude à un jour plus sombre encore que la nuit passée.